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Conférence TIC & Géopolitique 2017 de l’EPITA : s’armer contre le fake

Organisée le jeudi 30 mars 2017 au Campus Numérique & Créatif Paris Centre du Groupe IONIS, la nouvelle conférence TIC & Géopolitique de l’EPITA avait pour objectif de scruter les différents visages d’Internet et du monde de l’informatique en général en compagnie de nombreux experts. Retour sur la première table-ronde dédiée aux spécialistes du fake.

Découvrez l’article sur la seconde table-ronde dédiée aux nouveaux rois du hack

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De gauche à droite : Nicolas Arpagian, journaliste et modérateur de la conférence, Adrien Sénécat, journaliste au Monde (Decodex), François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et auteur du site www.huyghe.fr, Guillaume Brossard, co-fondateur de Hoaxbuster.com et Amandine Ambregni, journaliste à l’AFP et représentante du projet CrossCheck

 

Le mensonge, une tradition humaine ?
Le « fake » n’a pas attendu Internet pour exister et se propager. Pour François-Bernard Huyghe, les exemples de « fausses vérités » dans l’Histoire sont même légion car malheureusement propres à l’humanité. « Notre espèce est la seule capable du mensonge », estime ainsi le directeur de recherche. À ses yeux, les trolls peuplant le Net seraient donc les descendants directs de nos ancêtres ayant rependu des croyances délirantes (« les sorcières sur les balais »), colporté de fausses rumeurs sur les prétendues « mœurs sexuelles abominables de Marie-Antoinette qui ont contribué à la chute de la monarchie » ou lancé quelques légendes urbaines en temps de guerre comme de paix. Pour ce spécialiste de la désinformation, un seuil aurait cependant été franchi avec la guerre froide. « Il va y avoir un changement historique et technique avec la « disinformacia » soviétique, consistant à insuffler dans le circuit des médias occidentaux des informations fabriquées avec de fausses lettres de Riga et du roi d’Espagne, de faux rapports de la CIA… Tout cela pour créer un certain désordre. »

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Cette pratique va ensuite connaître une mutation après la chute du mur (et du communisme), durant plusieurs conflits successifs en Irak ou Yougoslavie. « On s’est alors retrouvés confrontés à une autre forme de « mensonge », avec des agents spécialisés relayant de faux massacres comme au Kosovo ou l’existence de fausses armes de destruction massive. » Et déjà, à l’époque, certains montaient au créneau pour signaler des informations fallacieuses. François-Bernard Huyghe en faisait partie. « Avec quelques amis, nous avions monté le site vigirak.com pour tenter de vérifier les informations sur les armes de destruction massive. On pouvait remonter assez facilement les contradictions et la source de fabrication de l’info, grâce à des sites américains et Hoaxbuster. Un bon exemple, ce sont les images de la foule applaudissant la chute de la statue de Saddam Hussein. En quelques minutes, nous avons pu trouver des photos avec des plans plus larges montrant que des gens avaient été amenés par autobus. Il s’agissait d’une mise en scène pour les médias. » Depuis, les temps ont changé et les faussaires de l’info ont su s’adapter… et se multiplier. « Aujourd’hui, avec des logiciels très simples, on peut faire une photo truquée. Ce n’est plus seulement l’affaire des gouvernements. Ces fausses informations sont également plus faciles à faire circuler via les réseaux sociaux. On peut industrialiser la chose et créer de faux mouvements d’opinion, le tout avec des communautés associées. »

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Les fake news, les héritiers des hoaxes
Heureusement, Internet ne regorge pas uniquement de communautés prêtes à rendre de plus en plus floues les frontières entre réalité et fiction. Celle qui nourrit le site de référence Hoaxbuster.com le démontre depuis son lancement il y a 17 ans pour contrer les partages ou « chaînes » de mail alors largement « à la mode ». « À la fin des années 1990, les hoax se propageaient par email et étaient assez faciles à démonter pour peu qu’on ait assez d’esprit critique, sauf que peu de personnes les démentaient : les gens se contentaient bien souvent de les transférer, estimant que l’information était fiable car « vue sur Internet », se rappelle Guillaume Brossard, co-fondateur du site. Notre idée était donc de proposer aux gens de s’informer directement sur Internet pour apporter des contradictions à ces hoax. Si la rumeur se diffusait par le Net, la contradiction se devait de prendre le même canal. Pour autant, les démentis ont malheureusement moins de poids que la fausse info en circulation. » Depuis, le site a su évoluer avec les transformations du World Wide Web tout en restant fidèle à son esprit d’origine. « On peut voir les fake news comme les petits enfants des hoaxes. Chez nous, on fait uniquement de la vérification factuelle, mais on nous pose souvent la question de la relation de confiance envers les médias dits « traditionnels » et ceux dits « alternatifs ». Notre réponse, c’est de dire voilà ce qu’on peut trouver sur le Web, les sources et les faits. En tant qu’internautes de la première heure, nous avions une vision un peu utopique d’Internet, vu comme une sorte de grand espace collaboratif où tout le monde pouvait s’entraider afin d’enrichir la connaissance collective. Même si Internet a depuis pris d’autres directions, il faut continuer à apprendre à s’en servir comme une richesse. »

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De nouveaux outils et processes mis en place
La montée en puissance du faux sur les réseaux sociaux a aussi engendré des réactions chez les organes de presse reconnus, de plus en plus pris pour cibles. « Le mensonge, la manipulation, la propagande et la contre-information existent depuis la nuit des temps, mais là, nous sommes entrés dans une ère ou des gens s’attaquent aux médias traditionnels pour dire qu’on ne fait pas de l’information mais de la « mésinformation », souligne Amandine Ambregni, journaliste à l’AFP. Voilà le visage du fake : derrière lui, il y a une volonté presque idéologique de « ré-informer » l’opinion. » Pour lutter contre ces attaques, 37 médias divers et variés (dont l’AFP) ont décidé de monter ensemble CrossCheck, un projet auquel participe Amandine Ambregni. Son but ? Réagir « avec nuance, subtilité et humilité » face aux trolls et aux fake news en permettant à un média membre du projet de vérifier un fait largement partagé sur les réseaux sociaux, puis à deux ou trois autres médias membres de produire une contre-enquête. Une aide précieuse pour aider les internautes à faire le tri à l’heure où, sur Internet, « tous les contenus sont mis sur un même niveau ».

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À son échelle, Le Monde a également choisi de réagir en proposant le Decodex : un outil gratuit permettant, via un code couleur, de juger si un site proposant des informations est partial, parodique, fiable, etc. Pas une mince affaire quand on sait que certains sites sont capables de distiller des rumeurs au milieu de faits avérés, comme le signale le journaliste Adrien Sénécat. Pour ce dernier, le fake peut également parfois travestir la réalité. Ainsi, une récente vidéo mainte fois relayée sur les réseaux sociaux « montrant deux membres d’un personnel hospitalier se faire agresser » par une tierce personne n’était pas fausse en soit : l’agression était réelle. Pour autant, elle était relayée en stipulant qu’il s’agissait de deux Français agressés par « un étranger/immigré ». Après vérification faite, en remontant l’itinéraire de la vidéo, il a été établi que l’action se situait finalement en Russie et que l’agresseur était lui-même russe…

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La vigilance, première des armes
Toutefois, si CrossCheck et Decodex peuvent s’avérer utiles, les intervenants de cette table-ronde étaient tous d’accord pour rappeler au grand public de rester prudent par lui-même. « En tant qu’audience mature, vous devez consulter différentes sources d’information, conseillait Amandine Ambregni. Rapporter le réel, ce n’est ni blanc, ni noir. Notre métier de journaliste, c’est d’apporter suffisamment d’éléments factuels pour permettre cela. »

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